Méditation sur le livre de Job (la Bible) : Un Dieu aimant est-il compatible avec la souffrance ?
Dernière mise à jour : 15 avr. 2020
Pierre Scherrer ; Avril 2020
La pandémie actuelle de COVID 19 a une particularité ; une grande partie de la population devra être contaminée à terme pour que s’installe une immunité collective
On a donc en France un potentiel de décès encore très important si on ne trouve pas rapidement un remède efficace
Potentiellement tout le monde peut être atteint. Chaque pays de la planète est concerné par cette déferlante ; nul endroit où se mettre à l’abri
Les pays et les populations les plus fragiles tels les camps de réfugiés pourraient payer un tribu particulièrement élevé à ce tsunami viral.
Face à cette situation de peur collective les chrétiens s’interrogent. Ou est Dieu? Que pense-t-il de tout cela? Est-il spectateur impuissant, responsable ou bien tolère-t-il seulement cette situation ? Que dit la Bible au sujet de la souffrance ?
Je vous propose en 3 parties une méditation sur Job qui bousculera peut-être certaines de nos certitudes : circonstances obligent.
1) L’approche traditionnelle «mystère de la souffrance » du livre de Job est-elle acceptable ?
2) Pourquoi Job est-il passé par ce chemin de souffrance injuste ?
3) Qu’a vu Job qui l’a définitivement apaisé quand il s’écrie « mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu » ?
1ere partie
L’approche traditionnelle «mystère de la souffrance » du livre de Job est-elle acceptable ?
Ces dernières semaines plusieurs prédications ont porté sur le livre de Job. Elles avaient toutes en commun la conclusion. Job souffre de manière injuste comme beaucoup d’entre nous et cela reste pour l’essentiel un mystère insondable.
Voici les grandes lignes de ce qui est communément admis. Satan met à l’épreuve Job et il est à l’origine de la souffrance injuste de Job et en particulier de la mort de tous ses enfants et serviteurs ; Dieu ne punit pas Job mais il relève le défi lancé par Satan ; il n’y a pas de lien entre la souffrance de Job et le mal qu’aurait pu faire Job ; les 3 amis de Job sont sévèrement repris par Dieu pour avoir défendu cette position.
Le livre de Job n’explique pas la cause de la souffrance ; c’est un mystère mais au final Job est apaisé par la bénédiction qui va suivre cette terrible période. Il y a donc toujours un espoir que tout s’arrange.
Interrogeons-nous : le principal livre qui traite de la souffrance atteignant le juste occupe 42 chapitres de notre Bible et il serait là uniquement pour nous dissuader de chercher un “pourquoi” à la souffrance ? Pourquoi certains sont-ils gravement atteints ou décèdent ils du COVID et d’autres non ? Pourquoi en 1991 David mon fils de 9 ans a-t-il été atteint d’un ostéosarcome réputé mortel à brève échéance alors que tous les autres enfants de sa classe demeuraient dans l’insouciance de l’enfance ?
Les personnes croyantes confrontées à la violence de la souffrance causée par une injustice sont toutes tentées de hurler “pourquoi” ? Et nous de leur répondre : « c’est un mystère » ou alors c’est une histoire de pari dans lequel Dieu se ferait entrainer par Satan on ne sait trop pourquoi ?. Pauvre Dieu et pauvre Job...
Cette lecture du livre de Job rend-elle justice au texte ? Rend-elle justice au Dieu tout puissant créateur de l’univers devant lequel chacun tremble y compris Satan ? Assurément non.
2eme partie
Pourquoi Job est-il passé par ce chemin de souffrance injuste ?
Une lecture attentive des 2 premiers chapitres du livre de Job montre que c’est Dieu qui mène la discussion avec Satan. D’où viens-tu ? As-tu remarqué mon serviteur Job? Tu penses que Job me sert par intérêt? Et bien je t’autorise à ceci mais pas à cela.
Satan obtient tout d’abord le droit de s’acharner sur ce que possède Job. C’est comme si Dieu avait provoqué Satan. Or Dieu sait que Satan va réagir à la provocation.
Il le sait encore davantage quand la même scène se répète mot pour mot une deuxième fois (Job 2 :2-3). Dieu pointe à nouveau Job tout en reprochant à Satan de le “pousser à perdre Job”!
Et Satan va obtenir le droit de toucher aussi à la santé de Job.
La réaction de Job du chapitre 1 au chapitre 37 démontre la maturité spirituelle de Job. En voici quelques extraits :
- Dieu est souverain ; il ne me doit rien ; je ne contesterai pas (1 :21 & 2 :10)
- La lumière ne se confond pas avec les ténèbres chap 17
- Un jour je verrai Dieu et ce jour-là il me sera favorable chap 19
- Je me suis soumis en tout à sa volonté chap 23
- Dieu est le « tout puissant » qui a tout crée et auquel tout appartient chap 26
- Dieu est injuste avec moi mais je ne dirai pas de mal à son encontre chap 27
- Craindre Dieu c’est la sagesse ; s’éloigner du mal c’est l’intelligence chap 28
- Je me préoccupais du pauvre et de l’inconnu chap 29
Si Dieu n’avait pas relevé la conduite exemplaire de Job devant Satan, rien ne serait arrivé à Job. Dieu serait donc bien à l’origine de cette terrible période de souffrance que va traverser Job.! Surréaliste non?
Oui, sauf si Dieu poursuit un autre but que ce pari stupide. En effet le dénouement à partir du chapitre 38 montre que même si Job n’a jamais péché contre Dieu pendant cette mise à l’épreuve, Dieu va contester avec Job. Job va même se repentir. Jamais Dieu ne fera référence à ce pari car ce dernier n’est pas la cause profonde du malheur qui s’est abattu sur Job.
Dieu a manipulé Satan ; un bien immense est sorti de cette crise. Job est apaisé comme jamais. Il a regardé Dieu en face, les yeux dans les yeux.
Mais qu’a vu Job alors qui pouvait motiver Dieu à l’entrainer dans cette douloureuse expérience ?
3eme et dernière partie
Qu’a vu Job qui l’a définitivement apaisé quand il s’écrie « mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu » ?
Dieu sort enfin de son silence « au milieu de la tempête ».
Aux chapitres 38 et 39 Il se décrit comme le créateur de tout ce qui existe et remet Job à sa place lui reprochant de parler « sans intelligence » ; Job est écrasé par cette démonstration de puissance : lui qui voulait plaider sa cause s’écrie « je ne parlerai plus » (40 :4-5).
Dieu poursuit.
Aux chapitres 41 et 42 Il va de manière très étrange décrire en détail la force de 2 champions de Sa création.
L’hippopotame d’une part qui est décrit comme “la première des œuvres de Dieu” (40 :19);
« Celui qui l'a fait l'a pourvu d'un glaive ».
Le crocodile d’autre part qui “ a été créé pour ne rien craindre” et qui est le “roi du plus fier des animaux” (41 :34)
C’est cette description anatomique qui fait basculer Job d’une terreur soumise à une illumination libératrice !
Que comprend Job de cette digression divine ?
Pourquoi rapprocher le placide et apparemment inoffensif herbivore qu’est l'hippopotame du plus puissant des prédateurs qu’est le crocodile ? Quel rapport avec le « pourquoi » de Job ?
Ces 2 animaux ont en commun leur habitat : les fleuves, les marécages….
Tout le reste les oppose. L’hippopotame défend son territoire mais ne tue pas pour vivre. Le crocodile se tient en embuscade prêt à dévorer par surprise tout ce qui passe à sa portée.
L’hippopotame n’a pas de prédateur animal et il meurt de vieillesse ou de maladie. Le crocodile évite la confrontation avec l’hippopotame car il n’a aucune chance de s’imposer.
Avec son énorme mâchoire l’hippopotame peut littéralement couper en 2 ce roi fier et présomptueux (cf reportage récent sur RMC).
Sa mâchoire c’est son glaive.
Ca y est Job a saisi ! Avons-nous aussi saisi ?
Dieu enseigne Job. « Je suis comme l’hippopotame » le tout-autre du crocodile. L’herbivore placide et tout-puissant. La force tranquille.
Contrairement au crocodile, l’hippopotame ne se nourrit pas des vies qu’il déchire. Dieu ne se nourrit pas du malheur des hommes contrairement au Satan.
Rien ne résiste au glaive de Dieu ; le diable ne fait pas le poids et Job découvre dans cette comparaison une révélation : en dépit des apparences Dieu domine et Dieu règne toujours.
La colère de Dieu est pour le diable et pour les prédateurs qui lui ressemblent.
Dieu n’est pas un prédateur ; il est de nature différente quoique Tout-Puissant.
Craindre Dieu ce n’est pas se méfier du mal que pourrait nous faire un Dieu insatisfait. C’est plonger dans l’intimité et la sécurité qu’offre l’hippopotame aux habitants légitimes de son territoire.
Voilà ce qu’a vu Job qu’il n’avait pas compris jusque-là.
Pour la dernière fois Job prend la parole et c’est pour reconnaître ses torts. Il a « parlé sans les comprendre de merveilles qui le dépassent » et il s’en repent.
Job le juste est resté intègre dans cette épreuve mais sa perception de Dieu devait évoluer.
Dieu veut faire passer Job d’une intégrité morale absolue à une confiance relationnelle.
Voilà pourquoi Dieu a fait semblant de céder à Satan. Voilà comment Dieu peut autoriser un mal et le transformer en bien.
Voilà comment une pandémie mortelle peut aussi sauver.
Pour nous faire bouger, pour faire évoluer notre image déformée et stérilisante de Dieu, ce dernier doit souvent employer les grands moyens. Toute la famille de Job a été décimée. J’ai dû accepter de perdre mon fils David même si, in extremis, Dieu me l’a finalement rendu.
Pour faire apparaitre la vie, Dieu nous confronte souvent à la perte. Celle de nos proches, celle de notre vie biologique.
C’est son projet créationnel qui est en jeu. Il ne nous doit rien.
Chaque fois qu’Il nous parle, il nous fait grâce en fait. L’écouter, voilà l’enjeu.
Après cette épreuve dramatique, Job a retrouvé des fils et des filles ainsi que sa fortune et sa santé mais le plus important c’est que rien n’était plus comme avant…